Publicité: France Digitale porte plainte contre Apple
L’association de startup estime que les réclames personnalisées au sein des services du groupe américain ne respectent pas la réglementation sur les données personnelles
Une nouvelle procédure inedite vise Apple l’association de startup France Digitale a porté plainte contre le fabricant de l’iPhone auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Selon le plaignant, les publicités personnalisées au sein des services Apple ne respecteraient pas la réglementation sur les données personnelles : en effet, ces réclames sont activées par défaut, souligne France Digitale. Or, selon l’association, l’entreprise américaine n’aurait pas recueilli le consentement préalable et spécifique de ses utilisateurs.
« Il y a deux poids et deux mesures : nos startup françaises respectent le droit des données personnelles, et l’entreprise avec la première capitalisation boursière mondiale pourrait, elle, en survoler les principes les plus élémentaires ? », s’indigne Nicolas Brien, le directeur général de France Digitale. La plainte s’appuie notamment sur le règlement général sur la protection des données (RGPD) européen et la loi sur l’informatique et les libertés.
Concrètement, le bouton qui active les publicités personnalisées d’Apple se trouve dans les réglages de l’iPhone, en cliquant sur l’onglet « confidentialité », puis sur « publicité Apple ». Le fabricant affiche ainsi des publicités ciblées dans l’App Store, dans Apple News ou Bourse. Par exemple, l’éditeur d’un jeu de mots croisés peut payer pour afficher un lien sponsorisé dans le magasin d’applications à l’attention des internautes qui recherchent des services sur ce thème. Apple permet à l’utilisateur de désactiver ces publicités personnalisées. Mais France Digitale y voit une « distorsion de concurrence ».
« Allégations fausses »
Les critiques envers Apple sont d’autant plus vives que l’entreprise a annoncé, pour « le début du printemps », un nouveau système limitant le « traçage » publicitaire : l’App Tracking Transparency (ATT) va obliger les éditeurs d’applications à afficher un écran demandant le consentement des utilisateurs avant de partager des informations avec des tiers. Un refus les empêchera de suivre le comportement des utilisateurs entre les applications.
L’ATT et l’activation par défaut des publicités personnalisées d’Apple ont déjà généré une autre plainte, auprès de l’Autorité de la concurrence : quatre acteurs de la publicité demandent des mesures conservatoires. « Apple se crée un avantage sur le marché publicitaire en ajoutant des contraintes aux autres », argumente Nicolas Rieul, président de l’Internet Advertising Bureau France (IAB).
Apple a, par communiqué, vivement réagi à la procédure de France Digitale : « Les allégations de la plainte sont notoirement fausses et constituent une piètre tentative par ceux qui tracent les utilisateurs de détourner l’attention et de tromper les régulateurs. » Apple se défend de s’accorder un traitement de faveur et insiste sur le fait qu’elle ne partage pas de données avec des tiers à des fins marketings, ni ne collecte d’informations d’autres applications. De plus, Apple affirme ne pas cibler des individus identifiés, mais des « segments » d’au moins 5 000 utilisateurs. Il utilise leur âge, leur sexe, leurs achats sur l’App Store… Mais assure respecter les lois et limiter la quantité d’informations collectées.
Les critiques contre Apple rejoignent celles visant Google ou Facebook, qui possèdent des données de première main sur leurs milliards d’utilisateurs. Des acteurs de la publicité ont ainsi critiqué la décision de Google d’interdire les cookies tiers et les méthodes alternatives de suivi individualisé des internautes.
Quelle qu’en soit l’issue, l’action de France Digitale montre qu’un acteur supplémentaire se mobilise contre Apple. « Tout converge », croit M. Brien. En effet, le fabricant de l’iPhone est aussi visé depuis le 4 mars par une enquête de l’autorité de la concurrence britannique sur les pratiques « anticoncurrentielles » de son App Store.
La Commission européenne se penche, elle, sur l’utilisation obligatoire de son système de paiement, après une plainte du service de musique suédois Spotify, concurrent d’Apple Music. Aux EtatsUnis, Epic Games, l’éditeur du jeu Fortnite, a déposé une plainte contre les mêmes pratiques et les commissions de 15 % à 30 % prélevées par Apple sur les achats dans son magasin d’applications. Enfin, la firme va être concernée par les régulations sur les platesformes numériques, actuellement élaborées en Europe et envisagées aux EtatsUnis.