Des conditions draconiennes au Covid Safe Ticket (CST
En extrême urgence, l’Autorité de protection des données (APD) était sollicitée pour formuler un avis sur l’avant-projet d’accord de coopération, conclu entre le fédéral et les entités fédérées, pour garantir une base légale à l’extension du Covid Safe Ticket (CST). Prévu initialement pour servir de pass pour quelques événements majeurs ou pilotes (Tomorrowland…) et limité au 30 septembre, les Régions (bruxelloise en tête) entendent désormais l’utiliser comme sésame pour l’horeca, les salles des sports… Ce qui nécessitait donc de modifier son cadre juridique, particulièrement «touchy» dès lors que l’Etat est amené à manipuler des données sensibles (vaccin, test…).
L’encre à peine sèche, l’avis a été envoyé jeudi au cabinet du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, avant d’être publié ce vendredi sur le site de l’APD. Verdict: il y a du pain sur la planche pour le mettre d’équerre. En résumant : le CST, tel qu’il est défendu par les autorités, ne passe pas la rampe en matière de vie privée, alors qu’il est censé être d’application le 1er octobre (et jusqu’au 30 juin 2022). A noter, comme le prévoit la Loi pandémie du 14 août, que le CST pourrait aussi être réactivé plus tard en cas d’urgence épidémique.
Ingérence
Que dit l’APD? Que le CST «augmente fortement l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel». Et ce, y compris pour les vaccinés amenés à livrer leurs données dans la vie quotidienne.
L’Autorité adresse ensuite une liste sans fin de modifications que le gouvernement devrait intégrer au texte. On dit bien « devrait », car ses avis ne sont pas contraignants. Au pire, ce que l’APD n’a jamais fait, peut-elle sanctionner l’exécutif a posteriori s’il est pris en flagrant délit de non-respect des droits fondamentaux. L’APD invite donc les ministres à inscrire la « finalité précise et concrète des traitements de données réalisés dans le cadre de l’utilisation du CST», à «justifier la pertinence et la nécessité du CST pour atteindre l’objectif poursuivi», à «démontrer que les avantages de l’extension du CST dépassent les inconvénients et les risques qu’elle génère». « Y compris le risque de discrimination que le recours au CST peut générer, le risque d’accoutumance et de normalisation sociale des comportements qui portent atteinte aux droits fondamentaux et le risque de “glisser” vers une société de surveillance ».
L’accord de coopération devrait aussi inscrire dans le texte que « toute collecte directe et indirecte des données est interdite ». Au vu du risque important, un audit devrait être réalisé pour « vérifier qu’aucune donnée directe ou indirecte n’est collectée ».
Tout justifier
En vrac aussi, l’APD demande que l’on définisse le seuil minimal à partir duquel un événement est un « événement de masse », réclame de « ne pas autoriser un recours facultatif au CST qui serait laissé à l’appréciation des organisateurs et exploitants de certains lieux ou événements », de « supprimer ou justifier l’obligation de présenter un CST pour pouvoir sortir d’un événement de masse ou d’un projet pilote ». Ou encore, ce critère particulièrement strict : « Justifier, à l’aide d’éléments objectifs et factuels, les lieux retenus pour l’application du CST ». Et ce, sachant que le CST « ne devrait pouvoir être exigé que dans des lieux où la transmission et/ou la supepropagation sont les plus probables ».
Si l’APD avait voulu dire que le CST, en l’état, est une fausse bonne idée, elle ne s’y serait pas prise autrement
Enfin, l’APD prévient les législateurs des entités fédérées qu’ils devront, au moment de l’adoption des normes lé- gislatives activant l’extension du CST, «justifier de manière rigoureuse, secteur par secteur, type d’établissement par type d’établissement, la nécessité et la proportionnalité de la mesure ».
Il ne s’agit bien sûr que d’un avis sur un avant-projet d’accord de coopération, un «brouillon». A voir si ces «recommandations» seront intégrées dans l’épure finale. En attendant, si l’APD avait voulu dire que le CST, en l’état, est une fausse bonne idée, elle ne s’y serait pas prise autrement.