
La France n’est pas capable d’exploiter ses propres données de santé
La Cnil, l’Anssi.le Conseil d’État et, plus récemment, une sénatrice contestent le choix gouvernemental de choisir Microsoft pour héberger les données de santé du Health Data Hub. Les raisons avancées pour justifier ce choix sont remises en cause, et les risques soulignés par ces institutions. Un appel d’offres, plus réglementaire cette fois, visant à choisir un prestataire a été annoncé par l’État.
Le 30 juin dernier, la sénatrice Nathalie Goulet a proposé au
Sénat de créer une commission d’enquête sur le choix de Microsoft pour héberger les données de santé des Français. Elle n’est pas la seule à
contester ce choix. Plusieurs organisations (*) s’étaient élevées conjointement contre ce choix, effectué à travers une procédure accélérée de l’UGAP et sans appel d’offres public. Le 12 juin, la Cnil avait elle aussi plaidé pour un prestataire européen pour l’hébergement des données
de santé. Le directeur de l’Anssi, Guillaume Poupard, s’est également déclaré en faveur d’un acteur européen. La Justice va dans ce sens.
Dans une décision du 19 juin, le Conseil d’État préconise entre autres « d’analyser l’inadéquation supposée des acteurs français et européens
évoquée par le gouvernement pour justifier le choix de cette société [Microsoft] ».
Il rappelle également que, même si les données sont stockées en France, elles peuvent partir aux États-Unis au vu de la législation extraterritoriale américaine, le Cloud Act, et a ordonné au Health Data Hub de se mettre en conformité avec les demandes de la Cnil.
Pour rappel, cet organisme a été créé suite à la remise du rapport Villani en 2018 lia la vocation à centraliser les données de santé, issues du système national des données de santé, pour mieux les exploiter, en particulier avec
des algorithmes d’intelligence artificielle.
Sur la défensive, le gouvernement a annoncé qu’il allait, dans un délai non
précisé, lancer une procédure de mise en concurrence.
Si la démarche a le mérite de plus de transparence, le risque est que, «menée sur la base de l’architecture et des spécifications actuelles,
et pas sur des approches plus larges ou déjà proposées par des acteurs européens il y a deux ans, mais ignorée par la direction du Health Data Hub, cet appel d’offres ne s’ouvre pas à d’autres acteurs», craint Stéfane Fermigier, président du CNLL. En d’autres mots, un appel d’offres sur mesure pour la solution actuelle. Une démarche quelque peu surprenante quand le discours dominant du gouvernement insiste sur la souveraineté numérique.