La protection des données chez les notaires belge
Le Secrétariat social des notaires pouvait-il se lancer dans la protection des données personnelles? L’affaire a été portée en justice.
Depuis l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD), la protection des données personnelles est devenue un business plutôt juteux. C’est probablement le raisonnement suivi par le Secrétariat social des notaires (SSN), une émanation de la Fédération des notaires chargée de régler, entre autres, les volets sociaux et administratifs des études notariales.
Quand le RGPD a imposé aux administrations et institutions publiques ainsi qu’aux grandes entreprises la désignation d’un «data protection officer» (DPO) – une personne chargée de gérer ce qui a trait à la protection des don- nées –, le SSN a sauté dans la brèche et a commencé à proposer ce genre de services à ses membres et à d’autres entités, comme nous le verrons plus loin.
Privacy Praxis monte au créneau
Cette initiative n’a pas été du goût de la société Privacy Praxis, active dans la protection des données et dans la sécurité informatique. Estimant qu’en proposant ce genre de services à ses membres, le
Secrétariat social des notaires dépassait largement le cadre de son objet social.
Après une première mise en demeure effectuée il y a plus d’un an, la société a décidé de citer SSM en justice par le biais d’une action en cessation. L’affaire, qui avait été introduite à la fin du mois de juin, a été reportée après l’été. En effet, après la mise en demeure, le SSN a transféré toute son activité relative à la protection des données personnelles à l’ASBL Privanot, créée à cet effet par le SSN et par la Fédération des notaires.
À partir de ce moment, dans le chef du Secrétariat social des notaires, défendu par Thierry Duquesne et Léonard Maistriaux (NautaDutilh), l’action en justice n’avait donc plus de raison d’être.
«Il y a un risque de récidive»
Du côté de Privacy Praxis, on ne l’a pas entendu de cette oreille. Devant le juge des cessations du tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles, la société, défendue par Grégory Sorreaux et Matthieu Pierre (Thales), a précisé qu’en quelques mois, le Secrétariat social des notaires avait réussi à fédérer plus de 850 clients.
«Il y a un risque de récidive, mais le but est atteint par SSN. En un an et demi, ils ont réussi à jouer la montre et ont développé une clientèle énorme avant de transférer le portefeuille à Privanot», a plaidé
Grégory Sorreaux. Pour les avocats de Privacy Praxis, l’affaire est entendue, en dépassant le but de son objet social, le Secrétariat social des notaires a, selon eux, commis un acte contraire aux pratiques du marché.
Selon des estimations faites par Privacy Praxis, en 2018 et 2019, cette activité portant sur la protection des données personnelles a permis au SSN de générer un chiffre d’affaires compris entre 1,2 et 2,5 mil- lions d’euros. Et même si l’activité a été transférée à Privanot, rien n’empêchera SSN de revenir sur ce marché s’il le souhaite, ont estimé les avocats de Privacy Praxis.
Contrats résiliés avec le circuit de Spa-Francorchamp
Plaidant à leur tour, les avocats du Secrétariat social des notaires ont estimé d’entrée de jeu que cette activité de protection des données personnelles était intimement liée à l’activité sociale d’un secrétariat social.
Malgré cela, et «pour ne pas faire de vagues», dès que la mise en demeure a été signifiée, le SSN a résilié ses contrats avec le circuit de Spa Francorchamps et avec une intercommunale, ne gardant que ceux liés à ses membres et celui noué avec la ville de Dinant.
«Il faut arrêter de dire que SSN continue à fournir des activités de DPO, c’est faux!», a conclu l’avocat Thierry Duquesne.