
L’Autorité de protection des données face à la Cour des marchés
Plus d’une demi-douzaine de sanctions infligées par l’APD font l’objet d’un recours en appel. Dont une amende imposée à un commerçant gourmand en données.
L’année 2019 a permis à l’Autorité de protection des données (APD) de faire ses premiers pas. L’organisation qui a succédé à la Commission vie privée a mis en place ses systèmes de contrôle de l’application du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Dans ce cadre, sa chambre contentieuse a prononcé ses premières amendes. Si celle infligée à un bourgmestre ou la réprimande adressée au SPF Santé publique ont fait beaucoup de bruit à l’époque, une autre affaire vient d’avoir un prolongement inattendu devant la Cour des marchés, compétente pour accueillir les appels contre ses décisions. Les faits: un commerce de boissons exigeait, pour octroyer une carte de fidélité à ses clients, qu’ils le laissent «lire» leur carte d’identité électronique. Un client avait jugé cette exigence contraire au RGPD et déposé plainte à l’APD. L’Autorité lui avait donné raison et infligé une amende de 10.000 euros au commerçant…
Une dizaine de recours
Aux yeux de l’APD, en n’offrant aucune alternative à la carte d’identité au client, le commerçant ne lui a pas permis d’exprimer librement son consentement à l’échange de données. Dans son utilisation de la carte d’identité, il a en outre recouru à des données non pertinentes, telles que le numéro de registre national du client. Il a enfin manqué à ses devoirs d’information vis-à-vis de celui-ci. Trois raisons de le mettre à l’amende. Curieusement, en février, la Cour des marchés, saisie par le commerçant, a annulé sa décision et ordonné le remboursement des 10.000 euros. «Pour des questions de procédure», estime Hielke Hijmans, président de la chambre contentieuse. En gros, la Cour a estimé qu’il n’y avait pas eu traitement des données du client mécontent et donc pas eu d’infraction au RGPD, puisque la relation n’a pas même commencé. Elle a jugé que l’APD aurait dû offrir un droit de contestation au commerçant avant de statuer.
Guère convaincue, l’APD a décidé d’aller en cassation. Entre-temps, des commerçants pourraient-ils recommencer à lier obligatoirement carte de fidélité et carte d’identité? «Non, certainement pas, répond Hijmans. Si se présente un nouveau cas, on motivera notre décision autrement, afin de répondre au prescrit de la Cour.»
Actuellement, une dizaine de décisions de l’APD font l’objet de recours devant la Cour, et cinq autres ont déjà été tranchées. «La loi n’est pas tout à fait claire, commente le président. Et nous sommes en train de mettre en place notre politique de sanctions. On est encore en phase de début, il est normal qu’il y ait des différences d’appréciation.»