Les données privées des consommateur nouvelle cible des chaînes de télévision

2020-10-26 0 By dporgpd

Lancée en début d’année, elle a déjà convaincu de nombreux annonceurs. Les régies télé se positionnent comme une alternative aux Gafa.

Depuis janvier, la télé est entrée dans l’ère de la publicité ciblée au sud du pays. A l’instar de ce qui se fait sur inter- net, les annonceurs peuvent maintenant – du moins chez Proximus et Telenet – choisir de ne diffuser des spots publicitaires qu’à l’adresse de certains ménages bien précis. Exemple : les propriétaires d’un animal domestique ou d’un jardin, les familles avec enfants en bas âge, les habitants de la province de Liège, les fans de fiction… Grâce aux données des opérateurs télécoms et à celles de sociétés spécialisées en données, les télés peuvent fournir aux annonceurs des possibilités de ciblage très précises. Fini de gaspiller de l’argent en inondant tous les téléspectateurs avec la même pub quand l’objectif n’est de toucher qu’une petite partie de ceux-ci.

Difficile à quantifier

Pour des raisons techniques, un seul spot par écran publicitaire peut aujourd’hui être personnalisé mais, à l’avenir, ils pourraient être beaucoup plus nombreux. A noter que ni Orange ni Voo ne proposent encore cette innovation.

Quel bilan tirer de ces premiers mois ? A entendre les responsables d’IP (la régie publicitaire de RTL et TF1) et de la RMB (la régie de la RTBF et d’AB), les débuts sont plutôt encourageants. « On a tout de suite vu un engouement de la part d’annonceurs qui voulaient absolument participer au mouvement», explique Valérie Janssens, responsable de la transformation digitale à la RMB. «De gros annonceurs habituels, mais aussi de plus petits qui ne peuvent pas s’offrir une campagne TV. Le fait de pouvoir limiter la diffusion de leur spot à un territoire bien précis permet de diminuer la barrière à l’entrée. Certains annonceurs ont déjà réservé de nouvelles campagnes, ce qui veut dire que ce n’était pas juste un effet de nouveauté. »

Le patron de la régie IP, Denis Masquelier, se dit aussi satisfait des débuts, mais tempère. « Cela reste une première année. Avec la crise du covid et la pression qu’elle a engendrée sur les dépenses publicitaires, ce n’étaient pas les meilleures conditions pour un lancement. Cela nous a permis de travailler le produit, d’apprendre et d’éduquer le marché. » Du côté des agences média, on est moins enthousiastes. « On reçoit beaucoup de demandes d’informations de la part des annonceurs », note Bernard Cools, directeur de la recherche chez Space. « C’est très hype. Mais assez peu de campagnes se concrétisent pour le moment. »

Difficile de quantifier le phénomène. Les régies sont très avares en chiffres. Chez IP comme à la RMB, on se contente d’évoquer des revenus de «plusieurs centaines de milliers d’euros» pour cette première année, avec l’ambition de dépasser le million l’année prochaine.

Revenus additionnels

Les deux régies s’accordent pour dire qu’il s’agit que de revenus additionnels. La publicité personnalisée ne va pas se substituer à la publicité TV mais la compléter. « Dans les marchés où la publicité ciblée est déjà mature, celle-ci ne représente pas plus de 5 à 10 % des revenus des régies», souligne Denis Masquelier. «La télé reste un média de masse auquel on vient ajouter une capacité de ciblage supplémentaire, mais on ne va jamais faire du one-to-one comme dans le digital. »

Avec cette innovation, les régies TV espèrent bien récupérer les annonceurs qui se sont laissés séduire par les Gafa et leurs possibilités de ciblage très poussées. « On veut constituer une alternative aux Gafa en offrant un ciblage de qualité supérieure», explique Valérie Janssens. Elle cite le contexte qualitatif des chaînes TV, la sécurité de la marque (l’assurance que la publicité ne sera pas diffusée à côté d’un contenu douteux ou inapproprié), la taille de l’écran, le fait que le spot soit visionné dans un contexte de consommation «foyer»… Toutes des choses que les Gafa peuvent difficilement garantir à une marque. « En outre, en choisissant la publicité télé ciblée, les annonceurs investissent dans un écosystème média local et le renforcent. Ils sont de plus en plus sensibles à cet aspect», poursuit Valérie Janssens.

Pour permettre à cette technologie publicitaire de percer auprès des annon- ceurs, toutes les régies télé – du nord comme du sud du pays – ont décidé de mettre de côté leurs antagonismes et de travailler main dans la main à l’élaboration d’une série de standards, en collaboration avec Proximus et Telenet. Exemple: plus de 25 groupes cibles tournant autour du pouvoir d’achat, de la composition du ménage et des centres d’intérêt (fans de sport, gastronomes, amateurs de voyages…) ont été standardisés de manière à ce que les annonceurs puissent acheter les mêmes segments auprès des différents diffuseurs. «On veut simplifier et harmoniser au maximum les choses pour que le processus soit le plus fluide et le plus léger possible pour les annonceurs », explique Denis Masquelier. C’est à cette condition-là que ce marché pourra véritablement prendre son essor.