L’usage des données liées à la vaccination inquiète encore

2021-04-02 Off By dporgpd

Tandis que le flou entourant l’accès aux données enregistrées dans Vaccinnet persiste, un nouveau front s’ouvre sur la manière d’inviter les personnes à risques.

Lors que la campagne de vaccination s’ouvrira bientôt aux plus de 65 ans et aux personnes à risques, la polémique enfle quant aux données recueillies au cours du processus. Dernier rebondissement en date, l’envoi d’une lettre ouverte aux autorités. Signée par la coopérative Medispring, elle déplore que soient malmenés le secret médical et la «relation thérapeutique» nouée avec le patient. L’occasion de faire le point sur les données malaxées par la vaccination et l’usage qui en est fait. Qui, quoi, comment et pourquoi, en somme.

De l’invitation à se faire piquer à l’analyse statistique et médicale, au total, quatre bases de données sont en cours d’élaboration – même si ce sont surtout les deux premières qui cristallisent la critique. Résumons.

Invitation et information

Pour se faire vacciner en dehors d’une maison de repos ou d’une institution de soins, il faut avant tout se faire inviter dans un centre. Les convocations qui partiront en mars seront destinées aux plus de 65 ans et aux personnes présentant des comorbidités donnant droit à une priorité, le tout accompagné d’un code de vaccination généré aléatoirement. Ce qui nécessite de savoir qui inviter et donc, de rassembler des informations.

Voici la première base de données, dite des codes de vaccination. Fruit du croisement d’informations (identité, âge ou profession) émanant du Registre national ou de la Banque Carrefour. Mais aussi, et c’est là que cela coince, des organismes assureurs – autrement dit, des mutualités – et des médecins, si jamais c’est l’état de santé qui justifie une piqûre avant le reste de la population.

D’où l’émoi médical. Et l’inquiétude de l’Autorité de protection des données (APD). Parce que le projet d’accord de coopération qui se noue entre l’étage fédéral et les entités fédérées se montre trop vague sur la question, déplore Alexandra Jaspar, directrice du centre de connaissances de l’APD. «Quelles données exactement seront utilisées? Nous voudrions le savoir, et ce n’est pas défini.»

En fait, pour l’heure, les intentions sont suggérées entre les lignes. Et celles-ci ne sont pas de pouvoir «déduire des informations relatives à l’état de santé de la personne concernée», indique le texte en préparation. Confirmation de la «task force» en charge de la vaccination.

«L’objectif n’est pas de savoir qui a telle ou telle comorbidité, mais d’identifier les personnes prioritaires. Mutualités et médecins nous transmettront une liste de personnes dont ils estiment qu’elles répondent aux critères, sans communiquer les raisons de santé liées à ce choix.» Il ne serait donc pas question d’une base de données des co- morbidités, même si le texte ne l’indique pas de façon limpide.

Des failles «fondamentales»

L’étape d’après, c’est l’enregistrement de la vaccination, via Vaccinnet. La seconde base de données, retenant qui a piqué qui, quand et avec quoi. Fonctionnement qui a dans un premier temps fait l’objet d’un arrêté royal, sévèrement critiqué par l’APD. Passons sur la méthode de travail, un brin particulière, menant à un arrêté devant être remplacé par un accord de coopération en bonne et due forme; mais comme ce dernier ne sera pas prêt à temps, un «protocole» est publié en vitesse au Moniteur fin janvier. «Or un protocole, cela n’a aucune valeur légale», souligne Alexandra Jaspar. Soit.

Sur le fond, l’APD se réjouit de «progrès manifestes» enregistrés depuis décembre. Dans la définition des finalités de la récolte des données, dans l’anonymisation à des fins statistiques ou sur l’engagement à ne pas établir de discrimination basée sur le statut vaccinal. Pour mieux pointer ensuite des failles «fondamentales». «Certaines finalités pour l’inscription de données dans Vaccinnet sont toujours définies de façon beaucoup trop vaste. Il est ainsi question de “prestations de soins de santé et de traitements”. Ce qui renvoie à une liste très large, incluant notamment la médecine sur le lieu de travail.»

Préoccupation majeure encore: la possibilité que ces données soient transmises par la suite à des «instances ayant une mission d’intérêt public». Ce qui laisse la porte ouverte à de potentielles dérives, craint Alexandra Jaspar. «Au lieu de définir qui et pourquoi, on se contente d’un fourre-tout.»

Restent les deux dernières bases, où les données seront anonymisées, ou à tout le moins pseudonymisées. La troisième, sous l’égide de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé, relative aux effets secondaires. Et la quatrième, signée Sciensano, destinée aux études scientifiques et statistiques.